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NARCISSE

La fleur pousse au printemps, dans des endroits humides : ce qui la rattache à la symbolique des eaux et des rythmes saisonniers et, en conséquence, de la fécondité. Ce qui signifie son ambivalence : mort-sommeil-renaissance.

Cette fleur rappelle donc la chute de narcisse dans les eaux où il se mire avec complaisance : de là vient qu' on en ait fait, l'emblème de la vanité, de l'égocentricité, de l'amour et de la satisfaction de soi-même.

Les philosophes (Louis Lavelle, Gaston Bachelard), les poètes (Paul Valéry) ont longuement étudié ce mythe, interprété généralement de façon un peu simple. L'eau sert de miroir, mais un miroir ouvert sur les profondeurs du moi : le reflet du moi qu' on y regarde trahit une tendance à l'idéalisation.

Devant l'eau qui réfléchit son image, Narcisse sent que sa beauté continue, qu'elle n'est pas achevée, qu'il faut l'achever. Les miroirs de verres, dans la vive lumière de la chambre, donnent une image trop stable. Ils deviendront vivants et naturels quand on pourra les comparer à une eau vivante et naturelle, quand l'imagination renaturalisée pourra recevoir la participation des spectacles de la source et de la rivière (BACE, 35).

G. Bachelard insiste sur le rôle de ce narcisse idéalisant. Cela nous semble d' autant plus nécessaire, écrit-il, que la psychanalyse classique paraît sous-estimer le rôle de cette idéalisation. En effet, le narcissisme n'est pas toujours névrosant. Il joue aussi un rôle positif dans l'oeuvre esthétique (notamment)... La sublimation n'est pas toujours la négation d' un désir; elle ne se présente pas toujours comme une sublimation contre des instincts. Elle peut être une sublimation pour un idéal (BACE, 34-35). Cette idéalisation se lie à une espérance, d'une telle fragilité qu'elle s'efface au plus léger souffle :

Le moindre soupir

Que j' exhalerais

Me viendrait ravir

Ce que j' adorais

Sur l' eau bleue et blonde

Et cieux et forêts

Et rose de l' onde.

    (Paul Valéry, Narcisse)

A partir de ce vers et de l'étude de Joachim Gasquet, G. Bachelard découvre également un narcissisme cosmique : c'est la forêt, le ciel qui se mirent dans l'eau avec Narcisse. Il n'est plus seul, l'univers se reflète avec lui et l'enveloppe en retour, il s'anime de l'âme de Narcisse. Et comme le dit J. Gasquet : Le monde est un immense Narcisse en train de se penser. Où se penserait-il mieux que dans ses images ? demande G. Bachelard. Dans le cristal des fontaines, un geste trouble les images, un repos les restitue. Le monde reflété est la conquête du calme (BACE, 36).


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